Il y a eu ces chutes et au fur et à mesure ça ressemblait à des troubles de l'équilibre où on a tout fait. On pensait que d'ailleurs il n’y avait plus rien à faire. Elle a fait un test chez un ORL spécialisé dans les déséquilibres. Elle avait fait l'IRM mais la première fois ils n’avaient rien vu et c'est seulement la dernière fois là au mois de janvier que ça a été évoqué. Son médecin traitant qui est pourtant un gériatre enfin personne n'a jamais évoqué cette pathologie avant ce mois de janvier.
L'hydrocéphalie à Pression Normale ou l'Hydrocéphalie Chronique de l'adulte ou l'HPN est une pathologie neurologique toujours mal diagnostiquée bien que connue depuis les années 60. On estime aujourd'hui que 2 millions de personnes vivent avec l'HPN en Europe, mais malheureusement moins de 13 % sont diagnostiquées et pris en charge. Malheureusement, cette pathologie est souvent confondue avec la vieillesse ou d'autres pathologies neurologiques comme l'Alzheimer ou la maladie de Parkinson. Pourtant, c'est une cause de trouble de la marche potentiellement au moins partiellement réversible. Aujourd'hui, nous vous emmenons au cœur d'une journée type de bilan pour l'HPN. Une journée clé qui va permettre de poser un diagnostic précis pour pouvoir proposer un traitement. Cette journée va se décomposer en plusieurs étapes. D'abord un bilan neuropsychologique, ensuite des tests de marche, puis le moment clé, la ponction lombaire évacuatrice et ensuite de nouveau les tests de marche comparatifs et une IRM cérébrale.
Le bilan neuropsychologique a pour objectif d'explorer les fonctions cognitives, plus particulièrement la mémoire, les fonctions exécutives, le langage et la vitesse de traitement, mais également le comportement et les émotions. Dans l'hydrocéphalie à pression normale, on retrouve le plus souvent des troubles sous-cortico avec un ralentissement de la vitesse de traitement au niveau de la pensée et au niveau moteur, mais aussi des troubles des fonctions exécutives avec des difficultés de la flexibilité, de l'inhibition, de la planification ainsi qu’une atteinte de l’attention. On observe également une apathie qui se traduit par une perte des initiatives et une diminution de l'intérêt et donc des activités dans la vie quotidienne. On peut également constater un émoussement affectif, voire une indifférence émotionnelle avec une réduction ou une absence de réaction dans un contexte émotionnel positif ou négatif. Ces différents symptômes peuvent être d'intensité variable. Ce profil observé dans l'hydrocéphalie à pression normale est différent de celui qu'on peut retrouver dans les pathologies neurodégénératives qui affectent le plus souvent la mémoire sémantique concernant les informations vécues dans un contexte donné, mais aussi l'orientation dans le temps et l'espace, le langage et la reproduction de gestes. Les résultats de ce bilan neuropsychologique viendront nourrir la réflexion et seront mis en lien avec les autres examens de la journée.
Place ensuite à l'évaluation de la marche, un pilier essentiel de ce bilan HPN qui va être réalisé par nos kinésithérapeutes. Dans l'hydrocéphalie à pression normale ou HPN, les troubles de la marche et de l'équilibre sont souvent les premières signes visibles. Ils peuvent apparaître progressivement de façon subtile mais ils sont très caractéristiques. En pratique, qu'est-ce qu'on peut observer en kinésithérapie ? En fait, les patients, ils présentent souvent on marche typiquement à petit pas avec un élargissement du polygone de sustentation. Autrement dit, en fait, les passions, elles se déplacent avec les pieds plus écartés pour garder l'équilibre et en plus, on peut noter en difficulté à initier les mouvements ou au changement des directions. Les tests que nous utilisons sont des tests simples mais validés. Il s'agit de vitesse en 10 m des marches et les tests de 30 secondes assis-debout. Nous combinons beaucoup de données quantitatives comme le temps, la vitesse, le nombre de pas avec une analyse qualitative via la vidéo. Et cela nous permet en fait de chercher un petit peu plus finement s'il y a des changements subtils à la marche. Ces épreuves nous permettent d'objectiver les troubles moteur mais aussi de détecter une éventuelle amélioration après la ponction lombaire. Donc ce test diagnostique est vraiment un élément clé pour envisager la suite de la prise en charge du patient et donc en fait de pouvoir envisager une dérivation. Ces tests seront reproduits quelques heures plus tard puis le lendemain après le moment clé de la journée qui est la ponction lombaire. Notre hypothèse est qu'il existe une accumulation du liquide cérébrospinal dans le système nerveux central suite à une augmentation à la résistance de l'écoulement du liquide et cette accumulation du liquide est en train de perturber les voies du mouvement. Donc avec la ponction lombaire, on va aller vider du liquide et examiner ensuite la marche. C'est un test en même temps diagnostique et thérapeutique. « Là vous êtes trop penché à l'avant. En fait le but c'est de faire le dos rond, pas juste pencher en avant. C'est vraiment la clé. Alors, on va commencer l'anesthésie locale. Après ça, vous ne devriez plus rien sentir. On est en train de vider. Si vous avez mal à la tête, vous nous dites. OK, on va s'arrêter. Donc, l'évacuation du liquide que vous avez pu voir, c'est le liquide cérébrospinal qui est complètement transparent, on va dire qu'il est eau de roche. C'est cette évacuation qui va nous permettre éventuellement de voir s'il y a une amélioration. » On profite du recueil du LCS pour doser les marqueurs de bio dégénérescence et il est important de noter que contrairement aux idées reçues, la ponction lombaire n'est pas obligatoirement douloureuse. On la fait sous anesthésie locale et dans l'immense majorité des cas, quand le patient est bien installé, que on prend son temps pour faire la ponction lombaire, c'est relativement bien toléré.
Après la ponction lombaire, les tests de marche seront répétés 3h puis 24 heures plus tard. Toute amélioration même minime sera notée et précieuse pour le diagnostic. « On y va. Comment vous vous sentez quand vous marchez ? » Donc on vient de faire les tests en post-ponction lombaire et on voit déjà en fait avec la patiente qu'il y a une amélioration au niveau de la marche, c'est-à-dire les passages apparaissent plus fluides. Les demi-tours, ils sont encore décomposés, c'est-à-dire que la patiente réalise plusieurs pas pour se tourner, mais les ballants du bras par contre, il est préservé et la patiente arrive à réaliser la même distance qu'on a fait ce matin, notamment dans les 10 m des marches dans une façon plus rapide. Et ensuite aussi dans les tests 13 secondes assis debout, on peut déjà voir aujourd'hui que la patiente a eu en fait une amélioration de 20 % par rapport à ce matin. C'est plutôt positif en fait pour la dernière évaluation qui se fera demain matin.
La réalisation de l'IRM cérébral spécifique au liquide cérébrospinal. Nous allons chercher des arguments pour l'hydrocéphalie à pression normale, la dilatation ventriculaire mais aussi les anomalies de distribution du liquide cérébrospinal dans les espaces sous-saaracnoïdiens.
Donc il y a plusieurs manières pour un radiologue d'intervenir finalement dans le cadre de la prise en charge de patients avec hydrocéphalie à pression normale. On peut avoir des neurologues, des médecins généralistes, des parfois des neurochirurgiens qui nous adressent des patients en disant suspicion d'hydrocéphalie à pression normale ou ça peut être des médecins qui vont nous l'adresser pour des troubles de la marche ou autres et chez qui on va découvrir à l'IRM des signes qui vont nous alerter. Alors c'est quoi le premier signe qui doit nous alerter chez ces patients ? C'est ce qu'on appelle l'hydrocéphalie. C’est la dilatation des ventricules. La première chose qu'on doit vérifier, c'est est-ce que ce n'est pas dû à un obstacle ? n'y a pas un obstacle qui empêcherait le liquide de correctement descendre et donc qui élargirait en amont les ventricules. Quand on a éliminé un obstacle qui est donc une des causes de dilatation des ventricules, on va chercher des signes un peu plus spécifiques, notamment d'une hydrocéphalie à pression normale. Le premier signe finalement, c'est ce qu'on appelle la ballonisation des cornes frontales. Là, on va mesurer la distance séparant les deux extrémités des cornes frontales et en même temps, on va mesurer sur la même coupe l'espace séparant au maximum l'os pariétal et on fait un ratio et c'est ce ratio qu'on appelle l'index des venses. S'il est supérieur à 0.3 et bien c'est un signe qui peut orienter vers une hydrocéphalie et à partir de là on va essayer de rechercher les autres signes. Un deuxième signe que l'on va chercher, c'est notamment ce qu'on appelle la fermeture de l'angle caleux et à cet endroit-là mesurer l'angle que forme justement le corps caleux. Si c'est un angle trop aigu, moins de 90°, et bien c'est un signe en faveur de l'hydrocéphalie à pression normale. Et puis maintenant, l'IRM, l'imagerie par résonance magnétique offre des séquences de plus en plus perfectionnées qui nous permettent d'avoir de plus en plus d'éléments d'orientation. En dehors de ces séquences un peu morphologiques qui permettent de voir le cerveau, on va avoir des séquences un peu plus fonctionnelles. Et ça, ce sont des séquences qui sont assez récentes et qui sont ce qu'on appelle des séquences de flux et notamment qui permettent de quantifier le flux dans le liquide céphalorachidien. C'est ce qu'on voit ici. Et quand on voit une hyperpulsatilité du liquide céphalorachidien, et bien c'est aussi un élément qui oriente vers une hydrocéphalie à pression normale. Donc pour conclure et bien on recherche en tant que radiologue à la fois des signes morphologiques et des signes fonctionnels qui vont nous faire dire oui, il y a une hydrocéphalie. Non, ce n'est pas une hydrocéphalie obstructive. Non, ce n'est pas parce qu'il y a une atrophie du cerveau puisqu'on sait très bien que si on atrophie certaines régions du cerveau et bien il va y avoir une dilatation compensatrice des ventricules. Et bien une fois qu'on a éliminé ça, on va chercher ces petits signes dont je vous ai parlés tout à l'heure qui vont nous permettre d'orienter correctement le patient vers un neurochirurgien spécialisé dans l'hydrocéphalie à pression normale.
À la fin de l'hospitalisation, une fiche de recueil est remise au patient. Il va noter son ressenti subjectif pendant une semaine. Il est revu 2 semaines plus tard pour corriger l'ensemble des informations que nous avons pu recueillir pendant cette journée dont le but est d'avoir un diagnostic clair pour pouvoir proposer éventuellement un traitement chirurgical qui consiste à l'implantation d'une dérivation du liquide cérébrospinal. Pour beaucoup de nos patients, la journée de bilan HPN est la première étape de leur amélioration. L'HPN est une maladie réversible. Pour certains patients, ce parcours diagnostique marque les débuts d'une amélioration tangible. Notre rôle est de ne pas passer à côté de ce diagnostic. Parlons de l'hydrocéphalie à pression normale puisqu'un diagnostic précoce peut changer la vie.